L'ALSACE DU 15/03/2018 : Internationales de mère en fille
Lara Davidovic, la jeune attaquante de l’ASPTT Mulhouse et du nouveau collectif tricolore, a de qui tenir. Bilja, sa mère, compte quelque 300 sélections avec l’équipe nationale yougoslave et serbe. Le chemin vers la gloire est tout tracé.
Chez les Davidovic, on vient au monde pour devenir champion, fréquenter le gratin sportif et les sélections nationales.
Datcha, le père, est handballeur. Aujourd’hui entraîneur de Cernay, il a aussi été celui du Mulhouse HSA et de la sélection monténégrine. Bilja, la mère, dont le frère Aleksandar Vladisavljev est l’un des coaches de l’équipe féminine de volley de Serbie, championne d’Europe en titre, a été l’une des grandes stars de l’Étoile Rouge de Belgrade et de la sélection nationale yougoslave, avant de jouer en Italie et d’échouer en France.
Et dans la lignée familiale, il est logique que la progéniture suive les traces des illustres aînés. Iva, la petite sœur (18 ans en mai prochain), est pensionnaire du centre national de Toulouse (IFVB), et Lara (20 ans) figure dans le collectif pro de l’ASPTT Mulhouse et de la sélection promise à défendre les couleurs françaises pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024.
« Quand je vois mes filles plonger en défense, j’ai l’impression qu’elles tombent du 3e étage ! »
« C’est un réel avantage de marcher sur un chemin tout tracé, confie Lara Davidovic. On ne peut plus comparer le volley de ma mère et celui d’aujourd’hui. Les joueuses et les conditions ne sont plus les mêmes. Mais les fondamentaux n’ont pas changé. Et puis, il y a l’expérience, le vécu. » Ce fameux vécu maternel fait état de quelque 300 sélections internationales entre 1983 et 1992, dont un championnat du monde et un dernier Euro historique. « En 1991, on s’est qualifié pour les championnats d’Europe sous le maillot de la Yougoslavie, raconte Bilja Davidovic. Et, quelques mois plus tard, nous avons joué la phase finale continentale sous les couleurs du Serbie-Monténégro. »
« Je suis originaire de Bavaniste, un petit village de 6000 habitants à côté de Vojvodine, à 40 km de Belgrade, poursuit Bilja. Quand je suis arrivée à l’Étoile Rouge de Belgrade, j’avais 16 ans et je mesurai déjà 1,88 m. Ce qui faisait de moi une joueuse grande par la taille, dont la moyenne n’était pas aussi élevée qu’aujourd’hui. J’ai donc eu la chance d’être titularisée de suite dans le six de base et d’être assistée par tout le monde compte tenu de mon jeune âge. Je regrette que Lara ne bénéficie pas de cet avantage. Il n’y a qu’en jouant qu’on peut progresser. Et, par rapport à la Serbie, je trouve qu’on néglige beaucoup la technique individuelle en France. Quand je vois mes filles plonger en défense, j’ai l’impression qu’elles tombent du 3e étage ! »
« Ce genre de blessure, ça ne rigole pas ! »
Pur produit de l’école postière où elle a débuté en 2007 en tant que poussine, Lara Davidovic occupe aujourd’hui un poste d’attaquante de pointe, en concurrence avec l’Américaine Hayley Spelman. Un rôle qui est rarement confié aux jeunes Françaises dans le contexte professionnel. « J’aime ce poste pour les responsabilités qu’il offre , explique la Mulhousienne. L’inconvénient, c’est que la concurrence est forte avec très souvent des joueuses étrangères. Les coaches font davantage confiance à la joueuse déjà riche d’un palmarès qu’au potentiel de l’espoir. Mais, à l’exception de Léa (Soldner), de Cazaute et de Fidon, le problème concerne toutes les Françaises. On nous dit qu’on représente le futur, qu’on compte sur nous pour Paris 2024. Mais si tu n’as pas de temps de jeu, comment veux-tu être performante ? »
Aux côtés de ses parents, Lara est à bonne école. Cependant, c’est loin d’eux que la vie lui a imposé la pire leçon d’humilité. Le 27 avril 2014 à Ruma, en terre serbe où sont ancrées ses racines, elle est victime d’une rupture des ligaments croisés en plein match Serbie – France.
« J’ai découvert à 16 ans le côté obscur du sportif, raconte la jeune Mulhousienne. Celui très sombre qui contraste avec le grand beau quand les résultats sont là et que tout va bien. Je venais de vivre trois années fastes (2012, 2013, 2014) avec de multiples titres de championne de France entre les Espoirs de l’ASPTTM, l’UNSS avec le Collège Zola de Kingersheim et le Pôle Espoirs. Je multipliais les matches en jouant en N2 avec l’ASPTTM II, en jeunes et en sélection. Et du jour au lendemain, tout m’est tombé dessus jusqu’au décès de ma grand-mère maternelle, à qui j’étais très attachée. Ce genre de blessure, ça ne rigole pas ! Après avoir été opérée, j’ai passé l’automne à Cap Breton en rééducation, à côtoyer des gens souvent plus gravement touchés que moi. Depuis, j’ai appris à prendre du recul sur beaucoup de choses. J’ai appris aussi à bosser pour moi. Quand tu as un vécu de sportif de haut niveau et que tu dois réapprendre à marcher, ça fait bizarre ! J’ai eu de la chance… J’ai repris la compétition en mars de l’année suivante avec la N2 et avec l’équipe de France juniors. Et, pour le premier match international, c’est un match Serbie – France qui m’attendait dans la même salle où je m’étais blessée un an plus tôt. Personne n’a pu imaginer à quel point je me suis fait plaisir à courir et à sauter ce jour-là ! »
Toujours en course pour défendre le titre de championne de France obtenu la saison dernière avec l’ASPTTM, Lara Davidovic est la digne héritière d’une dynastie sportive qui n’est pas près de s’éteindre.
Article signe Christian Entz